Bonjour Mme la Directrice Générale, et merci pour vos propos introductifs.
En propos liminaire, nous devons vous avouer que la tentation, la pression populaire étaient fortes pour que notre délégation FO Com (et d’autres organisations syndicales) ne siègent pas face à vous aujourd’hui, tant le mécontentement des salariés est grand. Comme vous le voyez, ce n’est pas le choix que nous avons fait. Car nous ne croyons pas à la politique de la chaise vide, nous revendiquons au contraire un dialogue social ouvert et franc, qui nous permet à la fois d’exprimer en direct les irritants forts qui inquiètent les salariés, et d’écouter attentivement vos réponses et propositions.
Dans cet esprit, notre intervention sera relativement courte, et concentrée sur les principaux sujets de préoccupation en cours.
À l’occasion des traditionnels vœux de nouvelle année, vous releviez le 9 janvier dernier combien « Orange a su tenir la barre » malgré « un environnement géopolitique et économique difficile et incertain ». Vous abordiez 2024 « avec confiance et détermination », au regard du « chemin parcouru en 2023 », en évoquant « les transformations profondes du modèle d’entreprise […], les batailles réglementaires féroces en Europe et en France, de très beaux succès commerciaux dans la quasi-totalité de nos activités », … Ce beau bilan méritait bien les chaleureux remerciements que vous aviez tenu à adresser aux salariés.
En retour, soyez assurée que notre délégation FO Com, et tous les salariés que nous représentons, auraient tant aimé vous remercier à leur tour, pour la politique de reconnaissance et de rémunération qui aurait pu être alignée avec l’effort et l’engagement qu’ils ont toujours su consentir.
Malheureusement, l’actualité sociale récente est bien loin de pousser à un tel enthousiasme. Car 2023 a aussi été l’année où notre employeur a franchi plusieurs lignes rouges, parfois inédites même aux plus funestes instants de l’histoire de France Télécom devenu Orange, comme par exemple :
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- La tentative inédite elle aussi de Rupture Conventionnelle Collective, transformée par un Plan de Départs Volontaires tout aussi inédit, qui supprimera 643 postes en France sur le périmètre SCE d’Orange Business, pour en recréer plus de la moitié en offshore !
- La décision d’arrêt de l’activité bancaire d’Orange Bank, aboutissant sur un tout premier Plan de Sauvegarde de l’Emploi dans l’histoire de notre Groupe, et supprimant 700 postes en France
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Ce début d’année 2024 n’est pas plus rassurant, avec :
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- Le Plan de Départs Volontaires du périmètre SCE confirmé, sous réserve de l’homologation de la DRIEETS, qui réaffirme la suppression de 643 postes en France (moins les 149 qui ont préféré quitter leur poste avant même de pouvoir bénéficier des maigres mesures d’accompagnement). Pourtant, ce PDV n’est pas justifié économiquement, or la dynamique de transformation sera cassée avec les suppressions de poste au profit de l’offshoring massif. Ce cocktail explosif qui présente des risques significatifs d’exécution opérationnelle, aura de lourdes conséquences pour le personnel de SCE : Risques Psycho Sociaux, incertitudes sur l’avenir ou de gestion de la charge de travail de celles et ceux qui restent… sans une gouvernance adaptée !
- La Négociation Annuelle Obligatoire, qui s’est achevée pour la première fois depuis très longtemps par l’absence totale de signature d’aucune Organisation Syndicale Représentative. Mais surtout marquée par le retrait inédit de toute mesure d’augmentation collective garantie pour près de 9 salariés sur 10 (au-dessus du seuil de 33 k€ de Salaire Global de Base annuel), et la division par quatre des budgets consacrés au rattrapage d’écarts femmes-hommes !
- La perte de plus de 10 % des volumes dédiés à l’intéressement et à la participation malgré les très bons résultats publiés mi-février 2024, perte qui amputera en moyenne le pouvoir d’achat des salariés de plus de 220 € par rapport à 2023, et qui pour l’instant ne sera pas compensée malgré nos demandes par une décision d’intéressement exceptionnel
- L’indécence décomplexée du projet de refonte des règles d’attribution du dispositif LTIP discuté ici même le 19 mars, visant à augmenter encore la rémunération globale des quelques 1 200 cadres dirigeants et leaders du Groupe par l’attribution d’actions gratuites, en supprimant le plafond auparavant lié à la part de surperformance de leur rémunération variable. Ce projet est vécu par les salariés comme une provocation, qui risque d’accentuer encore la fracture sociale qui les sépare de leurs dirigeants.
Provocation quand, dans le même temps, le groupe augmente de 57 M€ les dividendes pour atteindre plus d’1,9 Mds€ versés aux actionnaires, et une promesse de 2,0 Mds€ l’année suivante.
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- Concernant les élus et le dialogue social, la densité et l’enchaînement hors du commun des projets de transformation majeurs, qui surchargent et épuisent les instances comme la nôtre et ne permettent plus d’instruire sérieusement chaque sujet, avec près d’une plénière CSEC imposée par semaine depuis deux mois
- La baisse récurrente du budget consacré à l’innovation, qui s’accélère encore dans le prévisionnel 2024
- Des inquiétudes géopolitiques sur la sécurité de notre réseau de câbles sous-marins en mer Noire et en mer Rouge
- La perte de sens exprimée partout en France par les salariés sur tous les périmètres, souffrant par ailleurs de managers débordés, parfois brutaux, car soumis eux-mêmes à une pression inédite aux résultats, souvent obsédés par l’objectif d’économies à réaliser, les P&L et autres reportings budgétaires incessants, au détriment de l’activité elle-même.
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Pour ne pas faire trop long, nous n’évoquerons que brièvement les très nombreux projets immobiliers vécus par les salariés comme une dégradation majeure de leurs conditions de travail, le transfert douloureux de boutiques à la filiale Orange Store (ex-GDT), ou l’inquiétude des salariés du SI France qui s’apprêtent à être séparés de leur Direction Technique, en préparation sans doute d’un transfert progressif offshore de leur activité…
Comprenez juste notre message, le message sincère de représentants du personnel FOCom qui, chaque jour désormais, recueillent sur le terrain l’expression de ces doléances, et parfois de ces souffrances. Notre conviction reste que pour accomplir les attendus de votre stratégie « Lead the future », que nous ne contesterons pas (ce n’est pas notre rôle), il n’est pas possible d’envisager une performance économique sans « l’engagement des salariés » comme vous le disiez tout à l’heure, et donc sans une véritable performance sociale. Or la situation que nous venons de vous décrire est très préoccupante.
Notre seule question est donc : quelles inflexions pensez-vous envisager pour redonner rapidement aux salariés de l’UES Orange cette performance sociale tant attendue ?